Aujourd’hui, je me souviens…

 

Je me trouvais au milieu de l’océan Atlantique, 40e jour sans escale, et nous allions y rester deux mois sans toucher terre.
Dernière traversée en mer, à bord de ma jonque vietnamienne Sao Mai (Etoile du Matin), pour « tenter » de rentrer en France, entre Saigon et Brest qui nous attendait pour la rencontre des Vieux gréements.

Mais voilà… les vents et l’océan en avaient décidé autrement… Dépressions sur dépressions (terme météorologique marin) s’accumulaient sur nous. Le carnet de bord se remplissait ainsi. A bord, ma soeur, mon père et Michaël mon compagnon à l’époque.
Résonance avec notre retraite aujourd’hui.

 

Extrait « Pour les yeux d’une jonque », éditions Glénat. Peut-être que ces lignes résonneront en vous aujourd’hui.

 

🌊Extrait du carnet de Michaël

36 jOURS QUE NOUS AVONS QUITTÉ la Guadeloupe, et 5 mois en mer presque sans interruption. 650 000 milles nous séparent de Brest. Temps couvert, grandes lames qui courent à travers l’océan. Nous épaulons la mer par bâbord, et Sao Mai encaisse de violents chocs lorsque les vagues explosent sur les pavois, submergeant les passavants. Parfois, l’une d’entre elle s’engouffre dans l’écoutille au vent et submerge l’intérieur du bateau. Rien ne sèche plus depuis longtemps. Notre 12e dépression passe.

 

🌊Extrait de mon carnet de bord :

QUAND ARRIVERONS-NOUS? ET OÙ? Nous sommes au 40e jour de mer sans escale. Il m’est impossible d’imaginer l’arrivée. Je ne veux pas perdre une miette de ce qui m’arrive ici, je veux goûter chaque moment qui passe, même si mon corps en a assez. Pluie, froid, gris froid, pluie… L »eau des cuves est glacée, je dois faire des efforts surhumains pour me laver. les quarts de nuit sont éprouvants comme jamais, la barre est lourde, si lourde.
ET POURTANT… L’entente et l’harmonie du bord les transforment en de beaux moments pleins de douceur. Et Sao Mai avance malgré tout, de son pas de sénateur, telle la tortue de la fable…

Photo : Thomas Goisque, passage du cap de Bonne Espérance